Préface de Françoise Wasserman

Francis Gamichon

Le photographe de l’irréalité

 

« La nature qui parle à l’appareil est autre que celle qui parle à l’œil … la photographie dévoile les mondes d’images qui habitent les plus petites choses, suffisamment expressifs, suffisamment secrets pour avoir trouvé abri dans les rêves éveillés, mais qui, ayant changé d’échelle, devenus énonçables, font désormais clairement apparaître la différence entre technique et magie comme une variation historique. »

 

 Cette approche de Walter Benjamin dans « La petite histoire de la photographie » n’est pas sans évoquer la démarche de Francis Gamichon qui, quelques décennies plus tard, joue avec toutes les possibilités que lui offrent les nouvelles technologies.

Tout en profitant des propositions du hasard, il saisit l’instantané et le remodèle selon son propre imaginaire.

Si la photographie participe à la transformation de notre système de représentation, l’image n’est plus naturelle, elle est transformée, reformée, dans l’œuvre de Francis Gamichon, plus que pour d’autres photographes, elle atteint son paroxysme.

La photographie numérique lui offre tous les possibles pour atteindre à l’invraisemblance, à l’irréalité.

Il lance ainsi un véritable défi à tous ceux – photographes et critiques d’art– qui dans un véritable conflit entre anciens et modernes  affirment  que la photo numérique a tué l’argentique et toute créativité. Il nous donne à voir le contraire ; le numérique et le talent permettent toutes les audaces, toutes les formes créatrices.

Il recrée le réel avec un certain recul, il le déforme et casse les certitudes naturelles avec poésie et humour.

 

Les œuvres qui sont présentées dans cette exposition nous font découvrir un véritable artiste rêveur, mélancolique parfois, ironique souvent, créateur toujours.

 

Le rêve omniprésent le dispute à l’irréalité sans pour autant relever d’une démarche surréaliste. L’exposition se présente comme un triptyque : rêves de nature et ré-créations, rêves urbains et ré-flexions, rêves d’artistes et re-compositions.

La nature rêvée se métamorphose, les mouettes se décomposent, l’échassier se solarise, un simple bois flotté devient serpent de mer, les mâts du port d’Erquy se maquillent au gré des vents.

La ville rêvée à toutes les heures du jour nous offre la poétique des façades d’immeubles et leurs reflets changeants laissant libre cours à notre imagination.

Tout en évoquant d’autres artistes, peintres ou musicien, Francis Gamichon rend hommage au sculpteur Pierre Manoli avec une note très personnelle et esthétique nouvelle.

 

Ce choix de photographies nous permet de mieux cerner cet artiste photographe dont l’œuvre toute entière ferait mentir Baudelaire qui affirmait : « Je suis convaincu que les progrès mal appliqués de la photographie ont beaucoup contribué … à l’appauvrissement du génie artistique français déjà si rare ».

 

Françoise Wasserman

Conservateur général honoraire du patrimoine

 

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